17e Festival Hugo et Egaux dédié à Victor Hugo et Fiodor Dostoïevski

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17e Festival Hugo et Egaux dédié à Victor Hugo et Fiodor Dostoïevski
La Société des Amis de Victor Hugo est une association régie par la loi de 1901, fondée le 6 janvier 2000. Son but est de contribuer au rayonnement de la pensée et de l’œuvre de Victor Hugo.
Lettres d’amour échangées entre Victor Hugo et Adèle Foucher en 1822
Commémoration du bicentenaire de leur union le 16 octobre 2022 à la Maison Auguste Comte
Adèle Foucher, âgée de 18 ans, écrit à son fiancé Victor Hugo, âgé de 20 ans.
Leur mariage sera célébré le 12 octobre 1822 à Paris, dans la chapelle de la Vierge à l’église Saint-Sulpice.
N’EST-CE PAS, MON AMI, QUE NOUS SERONS HEUREUX ?
Adèle, prisonnière des carcans imposés aux jeunes filles en ce XIXe siècle très puritain, a accordé très rarement à son fiancé les baisers que l’ardent jeune homme lui réclamait. La bienséance qui lui imposait une certaine froideur apparente à l’égard du bien-aimé va cesser avec le mariage, se réjouit Adèle. Elle pourra montrer sans se cacher qu’elle aime son mari.
© Danièle Gasiglia-Laster
Vidéo avec un extrait de cette lettre interprétée par une membre de la Société des Amis de Victor Hugo.
Lettre reçue le vendredi 6 septembre 1822
« Cher ami, que tu me fais toujours de la peine ! Tu es bien cruel de me dire toujours la même chose ; mais j’ai été bien heureuse, hier soir, d’être près de toi et d’avoir ma main dans la tienne. Tu sais bien, mon ami, que tu es tout mon bonheur, toute ma joie, et qu’il est mal à toi de ne pas faire le mien.
Cher ami, dans un mois, n’est-ce pas, je serai ta femme aux yeux de tout le monde ; car tout cela m’ennuie bien de ne pas pouvoir montrer comme je t’aime. Oh oui ! car c’est bien dur d’avoir presque l’air de t’être étrangère lorsque je suis liée à toi par l’amour le plus grand.
Oh ! que nous aurons acheté notre bonheur ! N’est-ce pas, mon ami, que nous serons heureux ? »
Sélection de lettres entre Victor Hugo et Adèle Foucher en 1822
16e Festival Hugo et Egaux dédié à Victor Hugo et Romain Gary
Victor Hugo, âgé de 20 ans, écrit à sa fiancée Adèle Foucher, âgée de 18 ans.
Leur mariage sera célébré le 12 octobre 1822 à Paris, dans la chapelle de la Vierge à l’église Saint-Sulpice.
IL EST BIEN TEMPS QUE JE SOIS HEUREUX
Le jeune Victor Hugo, encore royaliste en 1822 – ses Odes en témoignent -, s’est vu octroyer une pension du roi Louis XVIII de 1000 F. On lui avait parlé de 1200 F mais la pension a été réduite. On lui a cependant laissé espérer une autre pension, du ministère de l’Intérieur. Le couple ne vivra pas dans l’opulence mais Victor aura tout de même, s’il ajoute à cette pension déjà acquise, quelques droits d’auteur, de quoi faire vivre sa jeune épouse. Les obstacles semblent levés et les jeunes amoureux peuvent se préparer à un mariage heureux et serein.
© Danièle Gasiglia-Laster
Vidéo avec un extrait de cette lettre interprétée par Pierre-François Lamiraud.
« Mercredi, deux heures après-midi [4 septembre 1822].
« Que je me repose un instant avec toi, mon Adèle ! J’ai été ce matin à Passy et je reviens travailler. C’est en ce moment-ci même que je devais être près de toi, du moins qu’il te soit consacré.
Je te verrai ce soir, mon Adèle, rien que ce soir ! Je t’apporterai une bonne nouvelle qui aurait cependant pu être meilleure, mais enfin je craignais quelque chose de pis. Une réduction de 200 francs ne m’épouvante pas : ce sera autant de plus à regagner par mon travail. Peut-être d’ailleurs serons-nous dédommagés par la pension de l’Intérieur. Enfin !…
Faut-il te le dire, mon Adèle bien-aimée ? Il est bien temps que je sois heureux. Je commençais à me lasser de ma position équivoque. Je m’effrayais quelquefois en moi-même d’un avenir qui ne m’offrait rien de fixe que ma volonté. Il m’était insupportable de voir le plus grand et le plus noble des bonheurs reculer ainsi devant mes yeux avec cette misérable pension. Il a fallu tout cela pour qu’elle eût quelque prix pour moi. Ce sera vraiment une étrange circonstance de notre vie que d’avoir été si longtemps contraints de mêler des affaires d’argent à des choses du cœur. Enfin, enfin, tout annonce que cette intolérable nécessité va cesser.
Oh ! quel jour heureux que celui où ton Victor n’aura plus à songer qu’au bonheur !
Adieu pour l’instant, chère amie, je vais aller voir où en sont les débats des assises, s’ils pouvaient durer jusqu’à vendredi ! Une journée entière près de toi ! C’est encore une chose singulière de notre position que d’être contraints, pour trouver quelques instants de doux entretiens, de nous réfugier dans la salle d’un tribunal. Personne ne se doute pourquoi je désirerais la prolongation du procès. Adieu donc, mon Adèle chérie, nous nous reverrons à cinq heures. En attendant, je t’embrasse bien tendrement.
Ton VICTOR. »
Sélection de lettres entre Victor Hugo et Adèle Foucher en 1822
Victor Hugo, âgé de 20 ans, écrit à sa fiancée Adèle Foucher, âgée de 18 ans.
Leur mariage sera célébré le 12 octobre 1822 à Paris, dans la chapelle de la Vierge à l’église Saint-Sulpice.
Une fois encore, on peut constater que l’œuvre à venir se nourrira des « lettres à la fiancée ». Le dévouement promis et proclamé à cette « admirable jeune fille », cette adoration d’un « ange » préfigurent la dévotion de Quasimodo à Esmeralda. Quant au sacrifice envisagé pour un seul des regards de la belle, déjà proclamé dans des lettres précédentes, nous avions déjà remarqué qu’il réapparaîtra dans « Guitare », poème des Rayons et les ombres. Au fil des lettres, on voit de plus en plus le lien entre cette « Guitare » et l’histoire d’Adèle et de Victor : la mère de Doña Sabine « qui chaque nuit criait dans la Tour-Magne/ Comme un hibou… » n’aurait-elle pas quelque chose de Mme Foucher venue surprendre Victor et Adèle dans la tour de Gentilly ? D’autre part, cette Doña Sabine qui rend fou d’amour Gastibelza s’enfuira avec le comte de Saldagne, abandonnant Gastibelza à sa folie de même qu’Adèle, devenue Mme Hugo, préfèrera à Victor son ami Sainte-Beuve.
© Danièle Gasiglia-Laster
Vidéo avec un extrait de cette lettre interprétée par Pierre-François Lamiraud.
« Mardi, 9 heures et demie du soir [13 août 1822].
« Il m’est impossible, mon Adèle, de me coucher avant de t’avoir répondu. Oh non ! tu n’es pas coupable, car tu n’as jamais pu penser un seul moment que je changerais, Adèle, tu n’as même pu le rêver. Je ne puis croire que les rêves mêmes puissent être à ce point menteurs. Moi, t’oublier ! moi, cesser jamais de t’aimer, de t’adorer, de t’idolâtrer ! N’est-il pas vrai, ange chéri, que cette idée ne s’est pas arrêtée un seul instant dans ton esprit ? Ce serait pour ton Victor une bien profonde douleur si jamais un doute pareil… Mais non, cela ne se peut et je rêve de me défendre d’un tel reproche. Me dire que je peux jamais cesser de t’aimer, c’est me dire que je n’ai point d’âme et qu’il n’y a point de Dieu. Et quelle autre créature humaine pourrait donc être digne d’un homme honoré de ton amour ? Est-il une femme au monde vers laquelle puisse descendre celui vers lequel tu as bien voulu descendre ? Et si tu daignes, toi, angélique et admirable jeune fille, avoir quelque estime pour cet homme encore si indigne de toi, pour ce Victor si fier d’être ton mari, comment peux-tu croire un moment que sa plus grande félicité ne serait pas de sacrifier pour un seul de tes regards mille vies et s’il était possible, mille éternités ?
O mon Adèle, quel être sur la terre peut te dire son dévouement égal au mien ? Est-ce que toutes mes paroles, toutes mes pensées, tous mes mouvements ne sont pas pour toi ? Est-ce que j’ai jamais éprouvé une joie qui ne me vînt pas de toi ? Est-ce que tu n’es pas mêlée à toutes mes douleurs ? Est-ce que tu n’es pas mon âme, ma vie, mon ciel ? Hélas ! Je vois Dieu en toi, je l’aime en toi, parce que je ne puis voir et aimer autre chose que toi. Ce sont peut-être là des blasphèmes ; mais pardonne-moi. Ce n’est pas offenser Dieu que d’adorer un ange. Il ne t’aurait pas créée si parfaite s’il n’avait voulu que celui qui te donnerait sa vie l’oubliât lui-même pour ne songer qu’à toi.
Adieu pour ce soir, mon Adèle adorée. Pourquoi ne puis-je pas te dire tout ce qui me gonfle le cœur ? Pourquoi ne puis-je trouver des paroles pour mon amour ? Adieu, dors bien. Je t’embrasse et je t’embrasse encore. »
Sélection de lettres entre Victor Hugo et Adèle Foucher en 1822
Adèle Foucher, âgée de 18 ans, écrit à son fiancé Victor Hugo, âgé de 20 ans.
Leur mariage sera célébré le 12 octobre 1822 à Paris, dans la chapelle de la Vierge à l’église Saint-Sulpice.
Adèle semble comparer défavorablement sa famille à Victor, dont elle pressent probablement le génie. Une fois encore, elle se plaint des reproches de sa mère, toujours jalouse de l’amour de sa fille pour le jeune homme. Exagère-t-elle ? N’y aurait-il pas surtout chez Mme Foucher la tristesse de voir son enfant devenir une femme et lui échapper ?
© Danièle Gasiglia-Laster
Vidéo avec un extrait de cette lettre interprétée par une membre de la Société des Amis de Victor Hugo.
Lettre reçue le 13 août 1822
« J’ai passé une bien mauvaise nuit, mon Victor ; j’ai rêvé de bien tristes choses. Mais ce n’était qu’un rêve, car, sans cela je ne vivrais pas. Cher ami, n’est-ce pas que tu n’aimeras jamais que moi ?
Je viens d’être grondée ; maman ne m’aime plus ; je n’ai que toi, mon Victor ; maman m’a dit que je n’aime plus personne que toi, que je déteste Paul. Elle m’en veut beaucoup. J’avoue que, ne sachant pas dissimuler, tout le monde peut s’apercevoir que je juge ma famille d’après une personne que j’estime, que j’aime par-dessus tout. Toutes les actions de mon entourage me paraissent, en comparaison des tiennes, tellement en-dessous, qu’elles ne peuvent pas soutenir la comparaison. Qu’ai-je dit, mon ami ? Crois que, cependant, après toi, je ne vois rien de comparable à mes parents, que je les estime ; je sais tout ce que ma bonne mère a fait pour moi ; qu’elle a sacrifié ses veilles, tout au monde pour sa fille, qu’elle aurait donné mille vies pour me sauver un douleur ; et moi, fille ingrate, j’aime mon Victor tant de fois plus qu’elle que je ne saurais le dire.
Maman me disait, l’autre fois, qu’elle avait l’âme triste, que les soins qu’elle avait donnés à sa fille n’avaient point été sentis, et elle me dit :
– Qui te dit que M. Victor ferait pour toi ce que j’ai fait ?
– Parce que, lui répondis-je, j’en ferais davantage pour lui.
Cette réponse m’a échappé, elle était dure pour maman et je m’en suis repentie ; mais j’ai dit ce que je pensais.
Quelquefois, je songe qu’un instant peut tout changer et que cette personne pour laquelle j’ai tout oublié ne sera peut-être pas toujours de même. Je pensais cela de toi, mon Victor, et j’étais bien coupable, n’est-ce pas ?
Mais j’ai promis de ne te rien cacher. Car, si tu changeais, sur qui pourrait-on compter ? De tout ce qui doit quitter cette terre, tu es le seul être sur lequel je fonde tout ce qui fait vivre, tout mon bonheur. »
Sélection de lettres entre Victor Hugo et Adèle Foucher en 1822
Victor Hugo, âgé de 20 ans, écrit à sa fiancée Adèle Foucher, âgée de 18 ans.
Leur mariage sera célébré le 12 octobre 1822 à Paris, dans la chapelle de la Vierge à l’église Saint-Sulpice.
Victor, comme Adèle, regrette à nouveau les moments heureux passés à Gentilly dans la maison de campagne des Foucher, où ils pouvaient se voir et se parler en permanence. Mais surtout, Victor remarque la jalousie de sa future belle-mère à son égard. Ce n’est pas la première fois que les lettres des fiancés font allusion à cette situation. Mme Foucher ne voit pas d’un très bon œil la passion de sa fille pour Victor et semble avoir l’impression de ne plus être aimée. Mais Victor encourage la fiancée à développer cet amour exclusif et veut être tout pour elle.
© Danièle Gasiglia-Laster
Vidéo avec un extrait de cette lettre interprétée par Pierre-François Lamiraud.
« 2 heures après-midi.
Je saisis tous les moments où je peux t’écrire, afin que cette journée s’abrège. Elle est si longue. Oh oui ! regrettons, mon Adèle, notre Gentilly. Qu’est-ce que ces trois heures passées le soir dans une gêne perpétuelle près de la douceur de dormir sous le même toit, de respirer le même air, de m’asseoir à la même table que toi. Hier, chère amie, j’ai essayé de prendre ta défense contre des reproches bien singuliers : je n’ai pas été bien reçu ; mais pour toi, est-ce que je ne supporte pas tout ? Est-ce donc à ta mère de m’envier une tendresse que tu ne pourrais me refuser sans la plus profonde ingratitude, car il n’y a que l’amour qui puisse payer l’amour ! Comment ! ta mère voudrait que tu ne répondisses que par une affection secondaire à l’attachement le plus ardent, au dévoûment le plus absolu, à l’amour et au respect le plus profond ! O répète-moi sans relâche, mon Adèle bien-aimée, ce que tu me disais dans ta douce lettre d’hier que ton Victor est tout pour toi comme tu es tout pour lui, que toutes les affections s’évanouissent devant notre amour mutuel, redis-le moi sans cesse, car c’est du plus profond de mon cœur que je t’affirme que j’ai besoin de cette conviction pour vivre. Si demain je cessais de croire en toi, Adèle, mon existence se briserait d’elle-même, car où serait mon appui dans la vie pour supporter le poids d’un pareil malheur ? Oh non, non, je t’aime, je t’aime, et tu ne peux ne pas m’aimer, toi qui es un ange. Adieu, adieu, mon Adèle, ton mari t’embrasse et t’embrasse encore. »
Sélection de lettres entre Victor Hugo et Adèle Foucher en 1822