Victor Hugo, âgé de 20 ans, écrit à sa fiancée Adèle Foucher, âgée de 18 ans.
Leur mariage sera célébré le 12 octobre 1822 à Paris, dans la chapelle de la Vierge à l’église Saint-Sulpice.
Victor, comme Adèle, regrette à nouveau les moments heureux passés à Gentilly dans la maison de campagne des Foucher, où ils pouvaient se voir et se parler en permanence. Mais surtout, Victor remarque la jalousie de sa future belle-mère à son égard. Ce n’est pas la première fois que les lettres des fiancés font allusion à cette situation. Mme Foucher ne voit pas d’un très bon œil la passion de sa fille pour Victor et semble avoir l’impression de ne plus être aimée. Mais Victor encourage la fiancée à développer cet amour exclusif et veut être tout pour elle.
© Danièle Gasiglia-Laster
Vidéo avec un extrait de cette lettre interprétée par Pierre-François Lamiraud.
« 2 heures après-midi.
Je saisis tous les moments où je peux t’écrire, afin que cette journée s’abrège. Elle est si longue. Oh oui ! regrettons, mon Adèle, notre Gentilly. Qu’est-ce que ces trois heures passées le soir dans une gêne perpétuelle près de la douceur de dormir sous le même toit, de respirer le même air, de m’asseoir à la même table que toi. Hier, chère amie, j’ai essayé de prendre ta défense contre des reproches bien singuliers : je n’ai pas été bien reçu ; mais pour toi, est-ce que je ne supporte pas tout ? Est-ce donc à ta mère de m’envier une tendresse que tu ne pourrais me refuser sans la plus profonde ingratitude, car il n’y a que l’amour qui puisse payer l’amour ! Comment ! ta mère voudrait que tu ne répondisses que par une affection secondaire à l’attachement le plus ardent, au dévoûment le plus absolu, à l’amour et au respect le plus profond ! O répète-moi sans relâche, mon Adèle bien-aimée, ce que tu me disais dans ta douce lettre d’hier que ton Victor est tout pour toi comme tu es tout pour lui, que toutes les affections s’évanouissent devant notre amour mutuel, redis-le moi sans cesse, car c’est du plus profond de mon cœur que je t’affirme que j’ai besoin de cette conviction pour vivre. Si demain je cessais de croire en toi, Adèle, mon existence se briserait d’elle-même, car où serait mon appui dans la vie pour supporter le poids d’un pareil malheur ? Oh non, non, je t’aime, je t’aime, et tu ne peux ne pas m’aimer, toi qui es un ange. Adieu, adieu, mon Adèle, ton mari t’embrasse et t’embrasse encore. »
Sélection de lettres entre Victor Hugo et Adèle Foucher en 1822